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Surnommé « l’éternel agitateur du Baol », à cause de ses démêlés avec l’administration coloniale française, Mame Cheikh Anta MBACKE est le frère de Cheikh Ahmadou Bamba.
Il est le deuxième fils de Sokhna Anta NDIAYE et fut l’un des pionniers qui ont assisté à la naissance et à la vulgarisation du mouridisme. Son frère aîné, nommé Mbacké Anta fut rappelé à Dieu à la fleur de l’âge et repose dans l’actuelle commune de Ndiagne, située dans la région de Louga.
De son nom arabe Mouhamad Ibn Moctar Ibn Abiballah ou Sidy El Moctar, Cheikh Anta Mbacké est né à Porokhane en 1865. Fils de Momar Anta Saly Mbacké et de Sokhna Anta NDIAYE, il fit ses humanités auprès de divers maîtres religieux : Serigne Mas, Serigne Niang, Serigne Matar Ndiaye, Serigne NdameAbdourahmane Lo, Serigne Mor SECK de Thioumboulène et Serigne Mame Mor Diarra.
Cependant, la majeure partie de son instruction religieuse fut assumée par son frère ainé Cheikh Ahmadou Bamba, à qui, sur recommandation de sa mère SokhnaAnta Ndiaye, il fit acte d’allégeance après la disparition de leur père Mame Mor Anta Saly Mbacké.
En effet, on raconte que dans les derniers moments de sa vie, Mame Mor Anta Saly confiait à son fils Ahmadou Bamba les destinées de sa famille en sollicitant ses prières et son intercession auprès du Seigneur.
Sokhna Anta Ndiaye, ayant entendu la conversation entre le père mourant et son fils Ahmadou Bamba, exhorta son propre fils Cheikh Anta à suivre les pas de son père en faisant lui aussi allégeance à son frère, appelé à l’époque Serigne Bamba.
Cheikh Anta a acquis, au cours de son existence, une fortune mise exclusivement au service du mouridisme. Doté d’un sens des affaires, il était sans aucun doute parmi les plus riches hommes de son époque dans l’Afrique-Occidentale française.
Son intérêt pour l’actualité et le développement économique lui a valu beaucoup de succès dans le cadre de ses activités et de ses rapports avec les décideurs de l’époque.
Celui que Paul Marty décrivait comme le ministre des Affaires extérieures du mouridisme a très tôt compris l’importance de la diplomatie économique et en a fait bon usage au service de sa communauté.
Dans son livre intitulé L’Islam au Sénégal, paru en 1917, Paul Marty, ancien administrateur colonial, nous donne un aperçu des investissements immobiliers de Cheikh Anta, avec, par exemple une maison achetée à Dakar. L’auteur en parle en ces termes : « Cheikh Anta est propriétaire, à Dakar, sur la rue Raffanel, d’une belle maison achetée à 28 000 francs à un indigène, et louée actuellement à un commerçant marocain nommé Madani Al-Qtiri ».
On comprend mieux, dès lors, pourquoi, les administrateurs coloniaux le considéraient au début du vingtième siècle, selon Marty, comme le « caissier du mouvement ».
Les passages consacrés à Mame Cheikh Anta par Paul Marty, chargé à l’époque des affaires religieuses dans l’administration coloniale, dans son ouvrage, témoignent, si besoin en était, de la position stratégique du personnage dans l’expansion du mouridisme.
Cet extrait tiré de l’ouvrage L’Islam au Sénégal, quoi que manquant d’objectivité de la part de son auteur, a le mérite de nous renseigner sur la façon dont Cheikh Anta était vu par l’administration coloniale française.
À la page 261 de l’ouvrage en question, disponible en version numérique sur le site Gallica (Bibliothèque nationale de France), on peut lire cet extrait :
« Il est certain que Cheikh Anta s’est rendu plus gênant des frères et disciples du Sérigne par ses perpétuelles intrigues. On peut donner comme preuve sa dernière instance devant le tribunal de Dakar.
La chose a peu d’importance en elle-même; mais elle démontre avec quel attachement immoral les Mourides sont dévoués à leur Cheikh, personne n’ignorant que Cheikh Anta n’est pas né à Rufisque, et d’autres part que malgré son habilité, Cheikh Anta est la proie des hommes de loi auxquels il se confie.
Il a noué des relations diverses avec des hommes politiques, des agents d’affaires et des commerçants du Sénégal. Abondamment pourvu d’argent, il en connaît la puissance.
Malgré cela, il vit au jour le jour. Par ces relations, il influence Amadou Bamba, qui, personnellement obligé de par sa sainteté d’éviter tout contact avec les Européens, se sent très ignorant dans cette diplomatie et s’en remet volontiers à son frère – ainsi d’ailleurs qu’à IbraFal – de la conduite des relations avec les Européens.
On ne peut nier que ce « Ministre des affaires extérieures » des Mourides, comme on l’a appelé, n’ait acquis à ce contact des Blancs une certaine façon toute pratique d’exposer et de liquider les situations »
Son attachement et son amour envers Cheikhoul Khadim n’avaient pas de limites. Cheikh Anta fut, avec Balla Thioro, un des disciples qui ont suivi les traces du fondateur du Mouridisme en le trouvant à Lambaréné, au Gabon, en 1899. Admiré par ses pairs et animé d’une volonté certaine de servir Cheikh Ahmadou Bamba, le développement de ses affaires ,tout comme ses déplacements fréquents autant à l’intérieur du Sénégal qu’à l’extérieur (Syrie, Égypte, sous-régionouest-africaine), lui ont valu d’être dans la mire de l’autorité coloniale de l’époque.
Le 29 janvier 1930 , il est assigné en résidence obligatoire à Saint-Louis. Sa déportation au Soudan Français fut décidée après 8 mois de détention, le 13 octobre 1930, et se poursuivra jusqu’en 1934.
Mame Cheikh Anta MBACKE quitta ce bas monde le jeudi 10 mai 1941 et repose à Darou Salam, précisément à l’emplacement où il avait reçu Serigne Touba avec faste à son retour du Gabon en 1902.
Sa vie et son œuvre constituent, aujourd’hui, une source d’inspiration pour l’ensemble des talibés, tant par son abnégation dans la foi et sa détermination à servir Cheikh Ahmadou Bamba.
Source : www.darousalam.org