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Depuis la période électorale, le Sénégal vit dans une situation sans précédent caractérisée par des prises de position radicale pour ou contre le gouvernement. Cette situation que l’on peut qualifier de crise affecte à coup sûr différents secteurs du pays et cela sous différentes formes : pouvoir d’achat, liberté de mouvement, éducation, emploi. Je me contenterai pour ce qui me concerne de m’appesantir sur le rôle et la responsabilité des marabouts, à partir d’un constat de mutisme de notre part depuis les événements du 29 février dernier.
Notre rôle, depuis les pères-fondateurs des différentes confréries musulmanes qui existent dans ce pays, a été et demeure de conseiller les disciples et de les encourager dans la voie de la droiture, de l’honnêteté en nous faisant nous-mêmes modèles de droiture, d’honnêteté, de savoir et de tolérance islamique. La plupart de nos disciples étant des analphabètes, nous nous devons d’être leur porte-parole auprès des autorités politiques et administratives.
Par rapport à la baisse des prix intervenue récemment, il importe de souligner qu’elle ne profite pas réellement au paysan car elle est concomitante avec une baisse du prix du kilogramme d’arachide. Cela l’oblige aujourd’hui à vendre deux cents kilos d’arachide pour se procurer un sac de riz. Contrairement à ce qui a été proclamé, les paysans ne disposent d’aucune réserve de semences car la conjoncture difficile ne leur a pas permis d’épargner. Donc il serait souhaitable que le gouvernement, revenant sur sa décision de ne pas leur en distribuer, remettre lesdites semences aux véritables utilisateurs et non à une poignée de «Â gros producteurs » qui s’empressent de les revendre.
Nous marabouts devons être des symboles d’humilité mais dans le même temps reconnaître avec respect la dignité incarnée dans chacun de nos disciples. En outre pour le marabout et en particulier pour le mouride, le rôle du guide est d’encourager les croyants au travail afin de les aider à résoudre leurs problèmes sans passer par des chemins sombres, sans employer des moyens frauduleux. Je suis convaincu que sans travailler, aucune personne ne peut vivre honnêteté.
Nous sommes donc dans l’obligation d’accepter les responsabilités que notre rôle dans la société nous impose de facto. Accepter ces responsabilités spirituelles et temporelles signifie, dans le contexte actuel, se prononcer sur la crise que vit le pays depuis les dernières élections au lieu de se réfugier dans un silence contradictoirement embarrassant et confortable. Il s’agit en effet de se positionner en tant que marabout et de se passer de toute forme de corruption par des forces extérieures à la religion. En un mot il s’agit, pour tout marabout qui se respecte, de tout mettre en œuvre pour garder son indépendance et de rejeter toute forme de dégradation morale. Nous devons resserrer les rangs et travailler afin de renforcer notre unité qui est notre force dans l’intérêt bien compris de l’Islam. Mais en tant que citoyens, nous avons aussi comme devoir de dénoncer tous les excès (arrestations arbitraires, vandalismes, répression non justifiée, violence contre les étudiants etc…) afin que la paix civile soit garantie.
Je profite de l’occasion pour saluer le courage et l’intégrité de certains chefs religieux qui se sont gardés de toute prise de position partisane en février dernier. Leurs attitudes ont été de dignité et de courage, mais aussi d’indépendance et d’intégrité.
Pour terminer, j‘exprime mon espoir que tous les guides spirituels qui sont suivis par des disciples appartenant à toutes les sensibilités politiques existant au Sénégal, sauront prendre le temps de réfléchir sur la crise actuelle pour redéfinir leur rôle et leur responsabilité.
Serigne Abdou Rahmane Gaindé Fatma