- Le cheikhal n’est point un privilège qu’on accorde aux hommes auxquels on tient. Mais, c’est plutôt une charge, une confiance et un confiage dans la mesure où le grand maître – Serige bu Mag bi dans d’autres termes – place sa confiance en un disciple qu’il aura bien éduqué et jugé habile à porter la charge de guide et d’exemple pour les aspirants. Ces dits aspirants sont tous adeptes de Serigne Touba, se trouvant dans ses œuvres, s’imprégnant de son projet de société…. Pour ce, le fondateur confiait l’éducation des adeptes aux promis au rang de Cheikh ;
- Le Mouridisme de Serigne Touba, toute histoire confondue, ne retient pas un jour où Serigne bi aurait dit à quelqu’un qu’il le nommait Cheikh ;
- Certaines qualités humaines et capacités requises constituent de conditions préalables d’un cheikh, tels que la persévérance, la modestie, la piété, la magnanimité, le savoir et le savoir faire ;
- Le savoir religieux est fondamentalement requis pour ce meneur d’hommes, vu qu’il est censé éclairer la voie aux mourides. Cheikh Khadîm n’a-t-il pas dit au célèbricime exégèse et jurisconsulte de Diourbel Serigne Ahmadou DEME: « mon seul regret c’est d’avoir promis de non instruits » ;
- Les Cheikhs non lettrés à l’époque, bien que non ignorants, étaient tous d’humilité hors norme qu’ils faisaient recours quand le besoin se faisait sentir, à leurs homologues hommes de lettres islamiques à l’instar de Serigne Mbacké Bousso, Serigne Mame Thierno Birahim, Serigne Assane NDIAYE;
- Ce système de cheikhal n’est pas conçu exclusivement pour les affaires purement religieuses. Bien au-delà, il est un système complet assimilant le culte de travail, l’exemplarité dans les actes de dévotion et l’entraide entre le cheikh et ses condisciples que certains considèrent injustement leurs talibés. Un jour, Serigne Touba a demandé à un adepte de rompre l’acte le liant à son cheikh, puisque dit-il ce dernier ne lui avait pas appris ses obligations divines. Un autre en train de préparer un baptême venait plaindre auprès de Borom Touba de l’avarice de son maître, le Grand Cheikh a fait venir le maître et lui a professé les mots suivants : « je vous ai fait compagnie de ces hommes pour que vous vous entraidiez dans la vie d’ici bas ».
- Ce système est une forme de décentralisation afin de vulgariser les enseignements de l’Islam sur l’ensemble du territoire national dans un premier temps, puis aux habitants du monde entier. Ceci étant, on assiste malheureusement à l’avortement du projet depuis presque trois décennies.
Place maintenant aux facteurs de cette dérive.
Dans un chronique précédant, on avait décelé cinq approches pour la voie de Cheikhoul Khadîm, la première concernait l’approche matérialiste « insistant sur le gain réalisable ou réalisé pour et par les disciples de première heure. On peut nommer à juste titre les adeptes et le superflu ». De là, on est censé comprendre les facteurs suivants :
- L’ignorance; si le guide perd le chemin il en sera ainsi pour ses compagnons ; Si la condition sine qua none est négligée, le jeu sera faussé dès le début et les objectifs escomptés seront ratés, la perdition est assurée ;
- L’incompétence de s’adopter aux exigences des moments après un siècle de la genèse du Mouridisme. Les stratégies de mobilisation n’ont plus rien à avoir avec la quintessence des enseignements du Grand Marabout. Les meneurs d’hommes ont imité les méthodes occidentales et plus particulièrement celles des stars de jeux ;
- La cupidité; après huit décennies de la disparition du Cheikhoul Khadîm, les cheikhs rient vers la quête de richesse, de lisière et du luxe. La rude concurrence pour augmenter le nombre des adeptes et accumuler la richesse a fini à imposer sa loi. L’arrogance, la rivalité, le mépris, l’escroquerie, l’usurpation constituent de comportements communs au sein de cette cercle restreinte qui hausse les concernés au niveau social le plus élevé dans la société sénégalaise du vingt unième siècle.
- La personnalisation de cette responsabilité ; rien n’est plus illustratif que la succession patrimoniale dans une telle situation. Le fondateur, Serigne Touba en personne œuvrait toujours pour l’objectivité et la responsabilité de telle façon qu’il demandait aux disciples d’un défunt d’y revenir. Si les fils de ce défunt ne sont pas à la hauteur ou s’ils sont encore jeunes, Serigne bi les envoyait aux établissements d’enseignements ou centres d’éducation.
- Le Cheikhal par ascendance est donc établi dans les années trente par Cheikh Mouhamadou Moustapha, le premier khalif dans un cadre d’organisation, ni plus, ni moins, suivant une logique bien suivie à l’époque. Cette logique qu’on a déjà susmentionnée dans la partie précédente voulait que le seul Marabout soit le fondateur. Cependant, force est de noter que Cheikh Moustapha avait préconisé des mesures d’accompagnement qu’il a lui-même exploré dans ses foyers religieux à l’instar de Tindodi.
- Les fils ainés des grands disciples ainsi que les petits fils du Grand Marabout ont fréquenté ces lieux. Serigne Modou Rokhaya, les fils de Serigne Massamba, de Cheikh Moustapha, de Serigne Fallou, de Serigne Bara…pour ne citer que ceux-ci ont tous fait l’école de Cheikh Moustapha qui dispensait les cours à cette génération naissante. Cette génération assurera bien le relief grâce au leadership du premier Khalif. Mais, faut-il le dire, cela n’est plus le cas.
La situation persistant, on ne peut qu’observer les dégâts ou bien espérer la dissolution de ce système qui a cessé de fonctionner conformément aux enseignements de Serigne Touba et aux aspirations des adeptes.
Pourquoi une telle décision si radicale ?
Serigne Mbacke Lo Mouhamed